La
France s'est fixée l'objectif de 10% de gaz
renouvelable, biométhane, gaz vert, dans nos
réseaux d'ici 2030. Les unités de
méthanisation ont doublé en trois ans,
encouragées par l'État. Mais quel impact sur
l'environnement ?
Reportage près
de Laon dans les Hauts-de-France.
Comment
réduire notre dépendance au gaz russe tout
en diminuant notre empreinte carbone ? La
France s'est fixée l'objectif de 10% de gaz
renouvelable d'ici huit ans. Pour les
agriculteurs, cela permet de diversifier
leurs revenus et, à leurs yeux, de
participer à la transition écologique. Mais
quid des conséquences environnementales ?
Quelles peuvent être les inconvénients d'une
telle production à grande échelle ? Mariam
El Kurdi s'est rendu près de Laon dans les
Hauts-de-France.Nous
marchons dans un vaste champ vert de
céréales à Vivaize dans l'Asine, avec
Laurent de Bishop. L'agriculteur de 54 ans
constate, heureux, que son seigle pousse
bien. "En
l'espace de 15 jours, il va doubler de
volume et on va se retrouver avec une grosse
masse végétale. C'est ce qu'on cherche, pour
produire le maximum de gaz",
explique-t-il.
Du
seigle et des déchets végétaux pour la
méthanisation
Et il insiste,
ce seigle ne remplace pas une production
alimentaire. Une fois récolté, il sèmera des
cultures de maïs et de blé. De l'autre côté
de la grille d'entrée du champ, un tout
autre décor. A bord d'un tractopelle, un
salarié ramasse les déchets agricoles
entassés au sol, pour les déverser dans
une
caste bassine collée au méthaniseur, en
forme de dôme blanc.Henri
Lecomte, 31 ans, est ingénieur agronome de
formation. Il reprend l'exploitation
familiale de céréales et de légumes
de son père. Il s'est associé à Laurent de
Bishop sur ce projet de méthanisation. "Pour
produire du gaz, on doit introduire de la
matière organique d'origine végétale : des
poussières végétales, des pommes de terre et
des ornions déclassés",
énumère-t-il.
Un gaz vert et
de l'engrais gratuit et naturelCes
produits vont macérer dans le méthaniseur à
40 degrés pendant 100 jours. Il en sort, une
fois épuré,
du biométhane, du gaz vert et du digestat,
autrement dit un engrais naturel, gratuit et
très utile aux agriculteurs : "C'est
un des gains majeurs
qu'on peut comptabiliser aujourd'hui. Dans
un marché ou les engrais valent de plus en
plus cher, c'est plusieurs dizaines de
milliers d'euros d'économies sur nos
exploitations",
poursuit Henri Lecomte.Autre
intérêt économique : le gaz vendu au réseau
GRDF. Le méthaniseur peut produire 20.000
mégawattheures par an, l'équivalent de 2.000
foyers. "Nous
sommes aux alentours d'une centaine d'euros
le MWh. L'avantage pour nous, c'est qu'on a
une stabilité sur 15 ans, avec un contrat
garanti par l'Etat pour limiter notre
sensibilité à la volatilité des marchés
mondiaux de matières premières",
explique-t-il encore.Des
méthaniseurs en expansion
Objectif :
amortir l'investissement d'ici dix ans, et
dégager un chiffre d'affaires annuel d'1,6
million d'euros. Trois méthaniseurs
fonctionnent aujourd'hui dans
l'agglomération de Laon, il devrait y en
avoir une dizaine d'ici cinq ans. Mais ils
n'ont pas toujours bonne image auprès des
habitants.Alexandre
travaille à côté du plus gros méthaniseur de
l'agglomération, près d'une zone commerciale
et à 500 mètres d'un village. Un site industriel,
géré par une entreprise de transports. "C'est
pas très joli",
s'exclame-t-il. "Ça sent très
mauvais, même les carreaux de la voiture
fermés, ça rentre dans la ventilation. Je me
demande les odeurs qu'il va y avoir par la
suite. Et pour la nature, est-ce qu'il y a
des inconvénients ?"
Quel impact sur
l'environnement ?Des
questions que posent aussi les associations
de défense de l'environnement, face aux
projets de méthanisation qui se multiplient.
Nous nous rendons sur ce site avec le maire
de Laon Eric Delhaye qui tient à rassurer :
"Il
faut faire très attention aux dérives
possibles. La tentation, ça peut être
d'avoir des projets agro-industriels dans
des dimensions qui poseront de véritables
problèmes d'acceptabilité. C'est plus simple
de développer des méthaniseurs agricoles au
milieu des champs. On doit être vraiment sur
de l'aménagement du territoire."L'avantage
écologique est important : 240.000 tonnes de
CO2 évitées dans les Hauts-de-France grâce
au biométhane selon GRDF. Pour la
responsable régionale du fournisseur
d'énergie Karen Buisson, c'est un secteur à
fort potentiel. "Au niveau de
l'Aisne, on est quasiment à 10% de gens qui
se chauffent, cuisinent au biométhane. Sous
cinq ans, on envisage un taux de 17%, ce qui
correspond à notre dépendance au gaz russe."
L'agglomération de
Laon à elle seule vise 100% de gaz renouvelable
d'ici cinq ans, une ambition atteignable, selon
les élus, grâce à ses terres agricoles.