Intempéries
: pourquoi est-ce si difficile de rétablir l’électricité dans les foyers
sinistrés le plus rapidement possible ? Neige collante, redoux et feuilles
mortes.
Exemple,
le 18 novembre 2019, apres 4 jours d'intempéries 29 000 foyers en
Rhône-Alpes sont encore privés d'électricité. La moitié à cause de problèmes
sur les lignes basses tensions du réseau de distribution géré par Enedis. Et
l'autre impactée par des avaries sur les lignes haute tension gérées par RTE
(Réseau de transport d'électricité), toutes deux filiales d'EDF. « Au plus
fort des tempêtes ils étaient dix fois plus nombreux, soit près de 330 000
foyers, reconnaît la direction d'Enedis. Nous avons dû faire face à des
circonstances exceptionnelles. » Retour sur quatre jours de mobilisation de
grande ampleur. « Nous avons reçu les premières alertes jeudi soir grâce à
notre système Gerico, explique un porte-parole d'Enedis. Il permet de
corréler les informations de Météo France avec celles du réseau électrique
et d'identifier en temps réel les zones susceptibles de connaître un
problème. » La direction d'Enedis se rend compte que les trois départements
Drôme, Ardèche, Isère, ainsi que dans les Alpes, vont vivre des heures
difficiles.
Elle réagit
immédiatement en envoyant des FIR (Forces d'intervention rapide de
l'électricité) d'Auvergne, de Bourgogne, et même de Picardie, en renfort
pour aider les équipes locales. Plusieurs centaines de techniciens
spécialement formés ont roulé une bonne partie de la nuit de jeudi à
vendredi pour se rendre au plus vite sur place, avec, sur les plateformes de
leurs camions, plus de 650 groupes électrogènes. Au total, plus de 2200
agents, sans compter la gendarmerie (pour établir des axes prioritaires
d'intervention) et même l'armée, œuvrent toute la journée de vendredi tour à
tour dans les trois départements pour tenter de rétablir l'électricité des
foyers coupés.
« Sauf que les
conditions étaient extrêmement difficiles, reprend le porte-parole d'Enedis.
D'abord, loin de se calmer, la tempête se déplaçait d'un département à
l'autre. Il nous fallait la suivre à la trace au gré des interventions. Avec
une visibilité extrêmement réduite et un accès aux zones d'intervention
rendu compliqué du fait de nombreuses chutes d'arbres sur les routes. »
Vendredi,
certaines régions sont en effet traversées par « une vraie purée de pois »,
rendant impossible le décollage des hélicoptères et des drones, utilisés
normalement pour visualiser les endroits où des lignes sont tombées. « Nous
devions suivre toutes ces lignes en véhicules, voire à pied quand elles
traversent des champs, ce qui prend forcément beaucoup plus de temps. »
La spécificité
de la neige tombée ne facilite pas non plus la tâche. À cette époque, il ne
fait pas encore assez froid pour être tout à fait sèche, comme au milieu de
l'hiver, ou en altitude. Résultat : « une vraie soupe », gorgée d'humidité,
un peu comme ce que l'on trouve en mars dans les stations de sports
d'hivers. Le résultat sur les lignes, les poteaux et les arbres, est le même
que sur les skis : elle colle. « Et comme l'automne a été très doux, de
nombreux arbres ont encore leurs feuilles, observe un technicien d'Enedis
intervenu dans la Drôme. La neige s'agglutine dessus. Considérablement
alourdies, les branches, voire des arbres entiers, se cassent et tombent sur
la route, quand ce n'est pas sur les lignes elles-mêmes. »
Dans ce
département de la Drôme, le phénomène a été impressionnant à
Romans-sur-Isère : un pilier de ligne à très haute tension (HT),
transportant de l'électricité à 63 000 volts, a été mis hors service par les
intempéries « La neige accumulée sur la ligne a pesé tellement lourd qu'elle
a littéralement fait ployer le pylône », témoigne un habitant de la commune.
5000 foyers étaient encore sans électricité ce lundi matin. La maire (LR),
Marie-Hélène Thoraval, était très remontée contre RTE (Réseau transport de
l'électricité), qui gère le réseau haute tension, injoignable, selon elle
pendant plus de 24 heures.
« Ces épisodes
exceptionnels, neige, inondations, tempêtes, deviennent malheureusement la
norme, alerte Enedis. Cela nous oblige à revoir notre matériel, nos
formations et nos investissements. » Ces derniers ont été doublés depuis
2008, passant de 2 milliards d'euros à 4 milliards d'euros par an. Enedis a
également accéléré le rythme d'enfouissement des lignes, la meilleure
technique pour les protéger des intempéries. Sur les 1,4 million de km de
lignes (le plus grand réseau de l'Union européenne), 48 % sont désormais
enterrées sous terre. Et 17 000 km supplémentaires le sont chaque année.
L'équivalent d'un aller-retour Paris/Pékin. Même les recrutements des
techniciens chargés de la maintenance et des interventions ont été revus à
la hausse, avec 2 000 postes supplémentaires par an sur les deux prochaines
années.